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ACTUALITE JURIDIQUE – Abus de position dominante par un opérateur historique

Abus de position dominante par un opérateur historique dans le contexte de l’ouverture d’un marché à la concurrence

L’ADLC sanctionne à hauteur d’1 million d’euros la société Gaz de Bordeaux pour avoir abusé de son statut d’opérateur historique pour faire obstacle à l’ouverture à la concurrence sur le marché de la fourniture de gaz naturel au détail dans la région bordelaise – 04/01/2022, Virginie Coursière-Pluntz et Jeanne Cousin

Saisie par la Commission de Régulation de l’Énergie, l’Autorité de la concurrence (ADLC) a récemment sanctionné la société Gaz de Bordeaux et ses sociétés mères pour abus de position dominante sur le marché de la fourniture de gaz naturel à un certain type de clientèle dans la région bordelaise, entre 2016 et 2019 (Décision n°22-D-17 du 11 octobre 2022).

L’ADLC reproche à la société Gaz de Bordeaux d’avoir, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture du gaz naturel au détail, abusé de sa position historique de monopole et des moyens à sa disposition en raison de son activité de service public, en violation du droit national et du droit de l’Union européenne.

Un peu de contexte

Le marché de la fourniture au détail de gaz naturel a évolué ces dernières années. En France, le processus d’ouverture à la concurrence a été initié par différentes directives européennes à compter de 2007. Jusqu’en 2014, les consommateurs français pouvaient librement choisir entre une offre de fourniture à un tarif réglementé de vente (« TRV »), proposée uniquement par les opérateurs historiques, et les offres de marché, proposées à la fois par les opérateurs historiques et par les fournisseurs dits « alternatifs ».

La Loi Énergie Climat (LEC) du 8 novembre 2019 est venue mettre en place le calendrier de disparitions des offres au TRV et imposer aux fournisseurs historiques d’informer leurs clients ayant souscrits un contrat au TRV, non seulement de la disparition des offres au TRV et de l’existence des offres de marché disponibles, mais aussi de l’existence d’un comparateur d’offres proposé gratuitement par le médiateur national de l’énergie. L’objectif étant de progressivement supprimer les offres de gaz au TRV, afin qu’en 2023, tous les consommateurs souscrivent uniquement des offres de marché.

La société Gaz de Bordeaux

La société Gaz de Bordeaux est l’opérateur historique du marché de fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels ou aux petits clients non-résidentiels dans la région de Bordeaux. En 2017, la société s’est scindée en deux pour distinguer le marché de la fourniture, pris en charge par la SAS Gaz de Bordeaux, et le marché de la distribution, conservé par une société d’économie mixte préexistantes renommée Régaz-Bordeaux.

Principe du droit de la concurrence en cause

Pour déterminer si une entreprise a abusé de sa position dominante, il est nécessaire d’apprécier l’ensemble des circonstances de faits pertinentes pour établir si les pratiques tendent à renforcer la position concurrentielle de l’entreprise ou à limiter l’accès au marché de concurrents, par des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites.

La prohibition des abus de position dominante trouve particulièrement à s’appliquer dans le cadre de pratiques mises en œuvre par un ancien monopole légal dont le secteur d’activités s’ouvre à la concurrence. Un tel opérateur peut choisir d’entrer ou de se maintenir sur un marché concurrentiel, à la condition toutefois qu’il veille à éviter toute exploitation abusive des moyens dont il dispose du fait de son statut d’opérateur historique et qui ne sont pas reproductibles par les nouveaux entrants. C’est une responsabilité particulière qui lui incombe eu égard à son ancienne position monopolistique.

Appréciation du fonctionnement du marché selon l’ADLC

Sur le marché de la fourniture de gaz au détail aux clients résidentiels et petits clients non-résidentiels dans la région bordelaise, et en dépit de l’ouverture du marché à la concurrence, l’ADLC a constaté d’une part que les barrières à l’entrée étaient trop importantes pour que les nouveaux acteurs créent une véritable pression concurrentielle. L’ADLC note que, de manière générale, les consommateurs finals sont très attachés à l’entreprise locale de distribution avec laquelle ils souscrivent une offre de fourniture de gaz naturel au détail, en particulier lorsqu’il s’agit d’un contrat de fourniture conclu avec le fournisseur historique, rendant plus ardu le changement d’opérateur.

D’autre part, à l’époque de l’infraction, les consommateurs disposaient de connaissances insuffisantes quant à l’organisation du marché de gaz, pour être en mesure de changer de fournisseur ou pour simplement connaître les fournisseurs concurrents de l’opérateur historique. De plus, les consommateurs n’étaient pas en mesure de distinguer les offres TRV des offres de marché, ni les fournisseurs ayant l’obligation de commercialiser les offres TRV.

L’abus caractérisé de position dominante de Gaz de Bordeaux par les moyens dont il disposait dans le cadre du service public

La société Gaz de Bordeaux détenait à l’époque des pratiques reprochées plus de 98% de parts de marché sur la zone Bordelaise, sur laquelle elle avait le monopole de commercialisation des offres de fournitures de gaz au TRV en vertu d’une mission de service public.

Il est reproché à la société Gaz de Bordeaux d’avoir utilisé des moyens liés à cette mission de service public de fourniture de gaz naturel au TRV afin de se développer sur le marché de la fourniture d’électricité en offres de marché, dans une stratégie qui ne relevait pas de la concurrence par les mérites. Selon l’ADLC, ces moyens, hérités de son monopole historique, n’étaient pas réplicables par les concurrents et constituaient un avantage concurrentiel majeur.

Il est également reproché à la société Gaz de Bordeaux de s’être substituée au législateur pour fixer son propre calendrier de disparition des TRV, en restreignant ainsi la liberté de choix du consommateur. En pratique, à partir de 2017, la société Gaz de Bordeaux a ouvertement demandé à ses conseillers de ne plus mentionner l’offre au TRV lors des souscriptions téléphoniques et a retiré l’offre au TRV de son comparateur d’offres en ligne, ainsi que du document de présentation des offres disponible en ligne.

En parallèle, Gaz de Bordeaux a systématiquement mis en avant ses offres de marché par l’intermédiaire de son site internet ou sa ligne téléphonique. Elle a progressivement complètement occulté l’offre au TRV au profit de ses offres de marché, qui s’avéraient, selon l’ADLC, être globalement plus chères que les offres au TRV pour le consommateur. L’ADLC relève à cet égard que, depuis avril 2019, Gaz de Bordeaux a purement et simplement arrêté de commercialiser l’offre au TRV en ligne, alors que la LEC prévoyait la date de fin d’éligibilité et la disparition de ces offres au TRV à la date du 1er juillet 2023. Cette pratique aurait entraîné à un nombre croissant de souscriptions aux offres de marché et une migration de plus de 16% des consommateurs de l’offre au TRV vers offres de marché de Gaz de Bordeaux.

Gaz de Bordeaux a ainsi volontairement entretenu une confusion dans l’esprit des consommateurs entre les offres de marché et l’offre au TRV, qui lui a permis de développer exclusivement son activité concurrentielle de fourniture de gaz en offres de marché.

De telles pratiques ont pour effet de freiner la libéralisation du secteur de l’énergie, puisqu’elles sont susceptibles de ralentir, voire de faire échec à l’ouverture du marché à la concurrence par la mise en place d’une barrière à l’entrée insurmontable pour ses concurrents.

Enfin, Gaz de Bordeaux s’est soustrait à son obligation tiré de l’article 63 de la LEC, qui lui imposait de mettre les données de contacts et de consommation des clients à la disposition des fournisseurs alternatifs qui lui en faisait la demande, créant là encore artificiellement des barrières à l’entrée.

L’ADLC relève ainsi cinq pratiques majeures dans sa décision :

  • la mise en retrait de l’offre au TRV sur le site internet de Gaz de Bordeaux ;
  • l’omission de l’offre au TRV par les conseillers du standard téléphonique de Gaz de Bordeaux ;
  • l’omission de l’offre au TRV sur le comparateur d’offres ;
  • l’omission de l’offre au TRV sur le document de présentation des offres disponibles sur son site internet ;
  • l’arrêt de la commercialisation de l’offre au TRV sur le site internet de Gaz de Bordeaux à compter d’avril 2019.

Par ailleurs, l’ADLC a constaté qu’en redirigeant les consommateurs vers ses offres de marché, Gaz de Bordeaux s’est soustraite à l’obligation de fournir aux consommateurs une information claire sur la libéralisation du marché du gaz, au moment de l’extinction des TRV. En effet, cette obligation d’information, prévue par la LEC, ne concernait que les consommateurs restés au TRV. Ils ont donc été privés de la possibilité de choisir une offre de marché de manière libre et éclairée.

Sur la base de ces différents éléments, l’ADLC a conclu que Gaz de Bordeaux a abusé de sa position dominante sur le marché de la fourniture au détail de gaz naturel aux clients résidentiels et aux petits clients non-résidentiels, dans la région bordelaise (zone de desserte de Régaz-Bordeaux).

Sanction

L’ADLC a sanctionné la société Gaz de Bordeaux (i) conjointement et solidairement avec ses sociétés mères successives, les sociétés Régaz-Bordeaux et Bordeaux Métropole Energies, à payer une amende forfaitaire d’un million d’euros et (ii) à publier sur son site internet un lien vers la décision pendant une durée de 3 mois, afin d’informer les consommateurs de gaz au détail de la région bordelaise, notamment ceux ayant été dirigés de manière abusive vers une offre de marché de Gaz de Bordeaux.

Et après ?

En février 2023, la Cour d’appel a constaté la caducité du recours contre la décision n° 22-D-17, la société Gaz de Bordeaux et ses sociétés mères ayant renoncé à soutenir l’appel.

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