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ACTUALITÉ JURIDIQUE – Episode 4 : L’obsolescence programmée et le droit à la réparation du consommateur

Rétrospective des textes de 2021 portant protection du consommateur – Episode 4 : L’obsolescence programmée et le droit à la réparation du consommateur – 31/01/2022

L’allongement de la durée de vie des produits manufacturés constitue l’un des premiers leviers permettant de limiter leur impact environnemental. Les textes récents ont proposé en ce sens une série d’aménagements au soutien d’une consommation tournée vers des produits plus durables et plus facilement réparables.

En particulier, les dispositions nouvelles relatives à la disponibilité des pièces détachées des produits, à la mise à jour des éléments numériques ainsi qu’à la lutte contre l’obsolescence programmée sont des mécanismes qui, tout en renforçant la protection des consommateurs dans leurs achats quotidiens, permettent l’utilisation prolongée des produits et encouragent leur réparabilité.

Lutte contre l’obsolescence programmée (C. conso., art. L.441-2 et s.)

Depuis 2020, la France s’est dotée d’un arsenal législatif visant à mieux sanctionner l’obsolescence programmée, sous la qualification de tromperie.

Si le Code de la consommation interdit la pratique de l’obsolescence programmée depuis 2016, la loi sur l’empreinte environnementale du numérique du 15 novembre 2021[1] a assoupli les conditions de reconnaissance d’une telle pratique, définie par la mise en œuvre de toute technique visant à réduire délibérément la durée de vie d’un produit. L’obsolescence des logiciels est désormais incluse dans la définition de l’obsolescence programmée.

Sont par ailleurs expressément interdites les pratiques visant à :

  • rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil ou à bloquer la restauration de l’ensemble de ses fonctionnalités en dehors des circuits agréés ;
  • limiter l’accès des professionnels de la réparation ou du réemploi aux éléments nécessaires à la réparation des produits (pièces détachées, modes d’emploi, informations techniques).

Enfin, le consommateur doit être libre d’installer le système d’exploitation ou les logiciels de son choix sur son équipement à l’issue de la garantie légale de conformité.

La sanction de l’obsolescence programmée est pénale et peut viser tant les personnes physiques (qui encourent jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende), que les personnes morales (qui encourent jusqu’à 1.500.000 euros d’amende). Les amendes encourues peuvent être portées à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel (C. conso., art. L. 454-6).

Disponibilité des pièces détachées

  • Obligations applicables dès 2022 (C. conso., art. L. 111-4)

Les obligations nouvelles relatives à la disponibilité générale des pièces détachées résultent de la loi sur l’économie circulaire (loi AGEC) du 10 février 2020[2], de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021[3], ainsi que de la loi sur l’empreinte environnementale du numérique.

 Information du vendeur par le fabricant/importateur sur la disponibilité des pièces détachées

Le fabricant ou l’importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la disponibilité ou non des pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens concernés, ainsi que de la durée ou de la date limite de disponibilité. Il doit en outre préciser au vendeur et, sur demande, à tout réparateur et reconditionneur professionnel, le détail des éléments constituant l’engagement de durée de disponibilité des pièces détachées.

Pour les équipements électriques et électroniques et les éléments d’ameublement, lorsque cette information n’est pas fournie, les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens sont réputées non disponibles.

Obligation de disponibilité des pièces détachées

Les fabricants et les importateurs d’équipements électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunications, d’écrans et de moniteurs peuvent être tenus d’assurer la disponibilité des pièces détachées de ces produits pendant la période de commercialisation du modèle concerné ainsi que pendant une période complémentaire ne pouvant être inférieure à 5 ans à compter de la mise sur le marché de la dernière unité d’un modèle.

C’est désormais le cas pour les ordinateurs portables (à l’exclusion des écrans tactiles) et pour les smartphones (décret n° 2021-1943 du 31 décembre 2021).

Le défaut de disponibilité des pièces détachées pour ces appareils ne pourra toutefois être sanctionné qu’à compter du 1er janvier 2023 (C. conso., futur art. L.131-3 – cf. infra).

Cas particulier des écouteurs pour smartphone (C. des postes et des communications électroniques, art. L. 34-9)

Parmi les dispositions prises pour lutter contre le gaspillage, la loi sur l’empreinte environnementale du numérique a également rendu obligatoire la disponibilité des écouteurs : si les téléphones mobiles n’ont plus à être vendus impérativement avec des écouteurs, les fabricants ou importateurs de téléphones mobiles doivent assurer la disponibilité d’écouteurs compatibles avec le modèle de smartphone pendant sa période de commercialisation.

Information du consommateur par le vendeur sur la disponibilité des pièces détachées

Les informations sur la disponibilité des pièces détachées doivent être transmises au consommateur avant la conclusion de la vente et confirmées par écrit lors de l’achat du bien.

Avant la vente, le consommateur doit être en mesure de connaître l’existence des pièces détachées disponibles et indispensables à l’utilisation du bien qu’il souhaite acheter. Au moment de l’achat du bien, ces informations sont reproduites sur le bon de commande s’il existe, ou sur tout autre support durable enregistrant ou accompagnant la vente, de sorte que le consommateur puisse s’y référer une fois la vente réalisée.

Obligation de fourniture des pièces détachées annoncées comme étant disponibles

Les pièces détachées disponibles et indispensables à l’utilisation des biens vendus doivent être fournies par le fabricant ou l’importateur dans un délai de 15 jours ouvrables et dans des conditions non discriminatoires aux vendeurs professionnels, aux reconditionneurs ou aux réparateurs qui en font la demande, qu’ils soient agréés ou non.

Pour certaines catégories de biens, lorsqu’une pièce détachée essentielle à l’utilisation d’un bien disponible sur le marché peut être fabriquée par un moyen d’impression en 3D et qu’elle n’est plus disponible sur le marché, le fabricant ou l’importateur de biens meubles doit fournir le plan de fabrication par un moyen d’impression en 3D ou, à défaut, les informations techniques utiles à l’élaboration de ce plan dont le fabricant dispose. Le décret d’application de cette obligation est toutefois attendu.

  • Obligations applicables à compter du 1er janvier 2023

La loi Climat et Résilience a étendu l’obligation de disponibilité des pièces détachées aux outils de bricolage et de jardinage motorisés, aux articles de sport et de loisirs, y compris les bicyclettes, les bicyclettes à assistance électrique et les engins de déplacement personnel motorisés, pendant au moins 5 ans après la mise sur le marché de la dernière unité d’un modèle (C. conso., futur art. L. 111-4-1). L’obligation sera précisée par un décret d’application pour une entrée en application au 1er janvier 2023.

Tout manquement relatif à l’obligation de disponibilité des pièces détachées sera sanctionné par une amende administrative d’un montant maximum de 15.000 € pour une personne physique et 75.000 € pour une personne morale (C. conso., futur art. L. 131-3).

Obligation pour les professionnels de la réparation et de l’entretien de proposer des pièces issues de l’économie circulaire (C. conso., art. L. 224-109)

A compter du 1er janvier 2022, tout professionnel qui commercialise des prestations d’entretien et de réparation – ce qui exclut les prestations réalisées à titre gratuit ou dans le cadre des garanties légales – doit proposer au consommateur pour certaines catégories d’équipements électriques et électroniques au moins une offre incluant des pièces de rechange issues de l’économie circulaire à la place des pièces neuves (C. conso., art. L. 224-109). Les « pièces issues de l’économie circulaire » sont entendues comme les composants et éléments issus d’une opération de préparation en vue de leur réutilisation (C. conso., art. R. 224-30), soit toute opération par laquelle des substances, matières ou produits devenus des déchets sont utilisés de nouveau.

Le décret d’application daté du 31 décembre 2021[4] est venu définir les catégories d’équipements et les pièces de rechange concernées. Il précise les conditions dans lesquelles le professionnel n’est pas tenu de proposer ces pièces, à savoir lorsque les pièces issues de l’économie circulaire ne sont pas disponibles dans le délai compatible avec la date ou le délai de la fourniture de la prestation d’entretien ou de réparation qui a été communiqué au consommateur.

Mises à jour des contenus et services numériques et des éléments numériques des biens connectés

L’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques (ordonnance GLC) ainsi que la loi sur l’empreinte environnementale du numérique, ont apporté des évolutions notables en matière de mises à jour.

Les mises à jour d’un bien comportant des éléments numériques s’entendent des mises à jour ou des modifications visant à maintenir, adapter ou faire évoluer les fonctionnalités du bien ou du contenu ou service numérique, y compris les mises à jour de sécurité, peu important qu’elles soient ou non nécessaires au maintien de la conformité du bien/du contenu ou service numérique (C. conso., art. L. 217-18 et L. 224-25-24).

  • Fourniture obligatoire des mises à jour nécessaires à la conformité d’un bien comportant des éléments numériques/du contenu ou service numérique (C. conso., art. L. 217-19 et art. L. 224-25-25)

L’ordonnance GLC a instauré l’obligation de fourniture des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du bien ainsi que du contenu ou service numérique.

Selon la nature de la fourniture des éléments numériques/du contenu ou service numérique (ponctuelle ou continue), le vendeur doit veiller à fournir les mises à jour nécessaires durant la période à laquelle le consommateur peut légitimement s’attendre ou aussi longtemps que le contenu ou service numérique doit être fourni conformément au contrat de vente.

Le consommateur doit être informé de la durée de fourniture de mises à jour compatibles avec les fonctionnalités du bien et des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien (espace de stockage nécessaire, impact sur les performances du bien, évolution des fonctionnalités) (C. conso., L. 111-6).

  • Fourniture des mises à jour non nécessaires (C. conso., art. L. 217-20 et art. L. 224-25-26)

Le régime de fourniture des mises à jour qui ne sont pas nécessaires à la conformité d’un bien contenant des éléments numériques ou à la conformité du contenu ou service numérique, a été nouvellement introduit par l’ordonnance GLC.

La fourniture de mises à jour qualifiées de non nécessaires n’est possible que si :

  • Le contrat de vente entre le vendeur et le consommateur (a) en autorise le principe et (b) fournit une raison valable pour leur fourniture ;
  • L’information sur la mise à jour envisagée doit être donnée au consommateur « raisonnablement à l’avance » et sur un « support durable », et préciser la date de la mise à jour ;
  • Ces mises à jour sont gratuites pour les consommateurs ;
  • Le vendeur doit informer le consommateur de son droit de refuser ou désinstaller la mise à jour non nécessaire, si celle-ci a une incidence négative sur l’accès au contenu ou service numérique ou sur son utilisation. Le consommateur qui choisit de rejeter ou désinstaller une mise à jour non nécessaire ayant un impact négatif dispose d’un recours spécifique contre le vendeur : il peut demander la résiliation du contrat dans un délai maximal de 30 jours et sans frais[5].
  • Fourniture de la version disponible la plus récente

L’ordonnance GLC a fait ajout d’un critère de conformité des biens comportant des éléments numériques/du contenu ou service numérique en précisant qu’ils doivent être fournis dans la version la plus récente disponible au moment de la conclusion du contrat, sauf si les parties en conviennent autrement (C. conso., art. L. 217-5 et L. 224-25-14).

  • Nouvelles sanctions

Outre l’allocation de dommages et intérêts, une amende civile d’un montant maximum de 300.000 € peut être prononcée à l’encontre du vendeur qui fait obstacle de mauvaise foi à la mise en œuvre de la garantie légale de conformité (C. conso., art. L. 241-5 et L. 241-18-1). Ce montant peut être porté à 10% du chiffre d’affaires annuel moyen.

La publication de la décision peut également être ordonnée.

Le non-respect des dispositions relatives aux mises à jour est quant à lui sanctionné par une amende administrative d’un montant ne pouvant excéder 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale (C. conso., art. L. 241-12 et L. 242-18-8).

[1] Loi n°2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

[2] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

[3] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[4] Décret n° 2021-1944 du 31 décembre 2021 relatif à l’utilisation de pièces de rechange issues de l’économie circulaire pour la réparation et l’entretien d’équipements électroménagers ou électroniques.

[5] à moins que la mise à jour n’ait qu’une incidence mineure pour lui. En outre, le consommateur ne peut résoudre le contrat si le vendeur lui a proposé de conserver le contenu numérique ou le service numérique sans modification, y compris au moyen d’une désinstallation de la mise à jour, et si ce dernier demeure en conformité.