ACTUALITE JURIDIQUE – Restrictions aux importations parallèles au sein de l’UE : amende de 337,5 M€ pour Mondelēz
Restrictions aux importations parallèles au sein de l’Union européenne : amende européenne de 337,5 millions d’euros pour Mondelēz – Par Virginie Coursière-Pluntz et Gautier Bernand
Commentaire de la décision Mondelēz de la Commission
Le 23 mai dernier, la Commission européenne a annoncé avoir sanctionné le fabricant mondial Mondelēz (notamment Milka, Toblerone, Côte d’Or, Cadbury, Tuc, Lu, Oreo et, avant 2015, Jacobs et Velours Noir) par une amende de 337,5 millions d’euros, pour avoir mis en œuvre des barrières artificielles aux ventes en gros de chocolat, biscuits et café au sein de l’UE, par des accords de distribution et des pratiques abusives contraires à la prohibition des pratiques anticoncurrentielles.
S’agissant d’abord des pratiques sanctionnées sur le fondement de la prohibition des ententes anticoncurrentielles (article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’UE), Mondelēz a été reconnue coupable d’avoir conclu avec ses grossistes des contrats de distribution contenant des restrictions d’exportation vers d’autres Etats membres de l’UE, entre 2012 et 2020.
Plus précisément, ces restrictions d’exportation consistaient en :
- une restriction des territoires et des clients auxquels ses grossistes pouvaient revendre les produits Mondelēz, afin de cloisonner les marchés nationaux et de pouvoir maintenir des prix élevés dans certains d’entre eux, comme la Belgique ;
- une restriction des ventes passives consistant soit en une interdiction pure et simple de fournir les produits à des détaillants ailleurs que dans l’Etat membre pour lequel chacun bénéficiait d’une exclusivité, soit en une obligation d’obtenir l’accord préalable de Mondelēz pour répondre à des demandes d’approvisionnement spontanées de détaillants situés dans d’autres Etats membres.
La constatation d’une entente anticoncurrentielle suppose la démonstration d’un accord de volonté entre des entreprises distinctes. Comme souvent dans ce type d’affaires, la Commission considère que les pratiques d’ententes sont constituées entre Mondelēz et les distributeurs grossistes, dès lors que ces derniers ont accepté les conditions contractuelles proposées par Mondelēz. Pour autant, seul Mondelēz est condamné au titre de ces pratiques.
S’agissant ensuite des pratiques unilatérales sanctionnées sur le fondement des abus de position dominante, Mondelēz est sanctionnée :
- pour avoir refusé de fournir un intermédiaire allemand afin de faire obstacle à la revente des produits dans des Etats membres dans lesquels les prix des produits Mondelēz sont plus élevés ;
- pour avoir cessé de fournir ses tablettes Cote d’Or sur le marché néerlandais afin d’empêcher leur réexportation vers la Belgique.
La Commission européenne considère que la mise en œuvre de l’ensemble de ces pratiques a eu pour objectif de faire obstacle à la porosité entre les marchés nationaux ayant pour effet d’harmoniser les prix au sein du marché de l’UE, au détriment des consommateurs.
Ces pratiques ont eu, comme le souligne la vice-présidente exécutive Vestager, pour effet d’annihiler les effets bénéfiques du Marché unique : les revendeurs doivent être en mesure d’acheter des produits dans d’autres Etats membres lorsque les prix pratiqués dans ces Etats sont inférieurs à ceux pratiqués dans l’Etat membre dans lequel ils opèrent habituellement.
La sanction de pratiques aboutissant à un tel cloisonnement géographique des marchés nationaux n’est d’ailleurs pas inédite dans la pratique décisionnelle de la Commission, ainsi que le fait remarquer la commissaire européenne à la concurrence Vestager dans son communiqué. Elle mentionne à ce titre les décisions AB inBEV (Commission européenne, 30 juin 2016, affaire AT.40134) qui concernait des restrictions d’importation de bières en Belgique depuis les Pays-Bas, et Valve (Commission européenne, 20 janvier 2021, affaires jointes AT.40413, AT.40414, AT.40420, AT.40422 et AT.40424), qui avait trait quant à elle à des géoblocages sur le marché des jeux vidéo.
Le montant significatif de l’amende, pourtant diminué de 15% en raison de la coopération de Mondelēz, qui avait accepté de ne pas contester les faits et leur qualification juridique, rappelle à quel point les restrictions d’exportation et/ou d’importation au sein de l’UE peuvent être onéreuses. De fait, si certaines restrictions de vente sont licites au regard du droit européen, à l’image des restrictions de ventes actives (démarchage de client) sur un territoire sur lequel existe d’ores et déjà un réseau de distribution exclusive ou sélective, les autres restrictions de revente restent sévèrement sanctionnées par les autorités de concurrence.