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ACTUALITE JURIDIQUE – Révision au 1er juin 2022 des règles de concurrence encadrant vos contrats de distribution

Révision au 1er juin 2022 des règles de concurrence encadrant vos contrats de distribution – 13/06/2022, Virginie Coursière-Pluntz et Camille Peraudeau

Le 1er juin 2022 est entré en vigueur le règlement (UE) n° 2022/720 renouvelant l’encadrement des accords de distribution par les règles de concurrence (ci-après « Règlement Accords Verticaux » ou « REC« )[1]. Le règlement est accompagné de lignes directrices révisées, visant à refléter la position de la Commission européenne quant aux principales restrictions de concurrence que l’on rencontre dans le cadre de ces accords (« Lignes Directrices Verticales« ). Le Règlement Accords Verticaux a vocation à s’appliquer pour une durée de 12 ans, jusqu’à mai 2034.

A l’instar de son prédécesseur[2], le Règlement Accords Verticaux a la nature d’un règlement d’exemption par catégorie : il vise ainsi à identifier les types d’accords ou de clauses qui peuvent raisonnablement être exemptés de la prohibition des accords ou pratiques concertées restrictives de concurrence, au regard des bénéfices techniques ou économiques qu’ils sont susceptibles d’apporter, lorsque les parts de marché des parties n’excèdent pas 30% sur leurs marchés respectifs. On parle d’exemption « automatique » pour les accords et clauses relevant de la « zone de sécurité » du règlement. Les accords et clauses qui ne peuvent se prévaloir de cette « zone de sécurité » peuvent toujours être exemptés à titre individuel à l’issue d’un bilan concurrentiel détaillé.

La révision de l’encadrement des accords de distribution intervient après deux séries de consultation publique ayant permis de recueillir l’avis des parties prenantes, notamment sur l’application des règles de concurrence aux réseaux de distribution sélective ou exclusive ainsi que sur les échanges d’informations dans le cadre de la double distribution. Elle a pour objectif d’actualiser les équilibres entre liberté du commerce et concurrence non faussée, afin notamment de tenir compte de l’expansion du commerce en ligne et de l’économie des plateformes. Les règles qu’elles posent se veulent simplifiées, accessibles et claires pour les entreprises, afin qu’elles puissent évaluer elles-mêmes la conformité de leurs accords de distribution au droit de l’UE prohibant les restrictions de concurrence.

Les changements résultant des nouvelles règles consistent notamment à réajuster la « zone de sécurité » apportée par le Règlement Accords Verticaux, de façon à ce qu’elle ne soit ni trop souple, ni trop restrictive.

PDGB vous aide à identifier les principales implications pour vos contrats de distribution.

  • Le cas de la double distribution

Les règles changent et le champ de la « zone de sécurité » est réduit s’agissant de la double distribution, c’est-à-dire si vous vendez vos produits en direct en même temps que vous les faites commercialiser par des distributeurs indépendants.

Echange d’informations – Les échanges d’informations entre un fournisseur commercialisant ses produits en direct et son/ses distributeur(s) ne bénéficient désormais plus de la « zone de sécurité » du règlement, si ces informations ne sont pas directement liées à la mise en œuvre de l’accord vertical et/ou ne sont pas nécessaires pour améliorer la production ou la distribution des biens et services en cause (REC, article 2(5)). Les Lignes Directrices Verticales fournissent des exemples d’informations qui, dans le cadre de la double distribution, pourront ou non bénéficier de l’exemption (LD Verticales, §99 et 100).

En particulier, il y a un risque très important à échanger sur :

  • les prix auxquels vous ou votre distributeur avez l’intention de vendre les biens ou services concernés par la double distribution ;
  • l’identification individuelle des utilisateurs finals des biens ou services concernés sauf si cela est nécessaire pour satisfaire aux exigences d’un client particulier ou encore pour mettre en œuvre ou contrôler le respect d’un accord de distribution sélective ou exclusive ;
  • les biens vendus par le distributeur sous sa marque propre avec un fabricant de produits de marque concurrente, à moins que ce fabricant ne soit également le producteur des produits à la marque du distributeur.

Plateformes de vente en ligne – Les plateformes sont désormais considérées comme des fournisseurs (de services d’intermédiation en ligne) au sens du Règlement (REC, article 1(1), point (d)).

Une plateforme ne peut se prévaloir de l’exemption automatique du règlement si elle commercialise pour son compte des biens ou des services concurrents de ceux des entreprises utilisatrices de ses services d’intermédiation (plateformes « hybrides ») (REC, article 2(6)).

  • Les obligations de parité

Le champ de la « zone de sécurité » est également réduit s’agissant des obligations de parité (ou clauses de la nation la plus favorisée), c’est-à-dire les obligations imposant au vendeur d’offrir à sa contrepartie (plateforme d’intermédiation en ligne) des conditions identiques ou meilleures que celles proposées sur les canaux de vente tiers (ex. autres plateformes) et/ou sur ses canaux de vente directe (ex. son site internet).

Les obligations de parité au niveau de la distribution de détail imposées par les plateformes – interdisant aux acheteurs de services d’intermédiation en ligne d’offrir, de vendre ou de revendre des biens ou services à des clients finaux à des conditions plus avantageuses par l’intermédiaire de plateformes concurrentes – ne bénéficient expressément plus de l’exemption automatique et devront désormais faire l’objet d’un examen individuel.

  • La distribution exclusive et sélective

Restrictions des ventes actives – Les règles changent et le champ de la « zone de sécurité » est élargi s’agissant des restrictions des ventes actives, c’est-à-dire lorsqu’un distributeur démarche activement les clients sur un territoire alloué à un autre distributeur.

Le Règlement Accords Verticaux, tenant compte du développement des ventes en ligne, considère désormais que certains types de comportement en ligne peuvent s’analyser comme des ventes actives lorsqu’ils ciblent une clientèle en particulier.

Exclusivité partagée – Le principe d’une exclusivité partagée est admis. En tant que fournisseur, vous pouvez désigner, sur un territoire exclusif donné ou pour approvisionner un groupe de clients prédéfini, plusieurs distributeurs exclusifs dans la limite de cinq (REC, article 4(b)).

Protection renforcée des réseaux de distribution sélective – Vous pouvez interdire à vos distributeurs mais également à leurs clients de vendre à des revendeurs non autorisés localisés sur un territoire au sein duquel vous exploitez un réseau de distribution sélective, peu important que ces distributeurs et/ou leurs clients soient ou non établis sur ce territoire.

Sur les difficultés rencontrées par les fournisseurs dans le régime antérieur, voir notre article Protection des réseaux de distribution – Etat des lieux à l’aube de la révision des règles européennes de concurrence, du 1er mai 2022.

  • Les conditions d’approvisionnement des produits destinés à la distribution en ligne

Les nouvelles règles accordent plus de souplesse aux fournisseurs pour différencier leurs conditions d’approvisionnement au sein des systèmes de distribution, suivant que les produits ont vocation à être revendus en ligne ou en magasin physiques.

Pratique du double prix – Le système de double prix ne constitue plus une restriction caractérisée de sorte que vous pouvez pratiquer auprès de vos distributeurs des prix de gros différents selon que les produits ont vocation à être vendus en ligne ou hors ligne.

Principe d’équivalence – Vous n’êtes plus contraints de faire usage de critères de sélection pour le e-commerce qui soient globalement équivalents aux critères imposés aux points de vente physique.

Ces conditions différenciées ne doivent toutefois pas avoir pour effet de restreindre les ventes transfrontalières ou d’empêcher le distributeur de vendre les produits en ligne (cf. point 4).

  • Les restrictions de vente en ligne

Le nouveau Règlement Accords Verticaux et les Lignes Directrices Verticales l’accompagnant reprennent, pour l’évaluation des restrictions des ventes en ligne, les principes directeurs issus de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE, notamment dans les célèbres affaires Pierre Fabre et Coty.

Ainsi, le fournisseur ne peut purement et simplement interdire au distributeur ou à ses clients de recourir à la vente en ligne pour distribuer les produits ou services : une telle pratique est constitutive d’une restriction caractérisée. En revanche il reste possible d’imposer au distributeur d’autres restrictions des ventes en ligne ou des restrictions à la publicité en ligne qui n’ont pas pour objet d’empêcher entièrement l’utilisation d’un canal de publicité en ligne (REC, article 4(e)).

Notamment, en tant que fournisseur, vous pouvez vouloir restreindre l’usage des places de marché en ligne par vos distributeurs, par exemple pour protéger l’image et le positionnement de votre marque (via une interdiction totale de l’usage de plateformes en ligne ou encore via des restrictions relatives à l’utilisation de plateformes qui ne respectent pas certaines exigences qualitatives). Les restrictions liées à l’utilisation de canaux de vente en ligne spécifiques (tels que les plateformes), ou l’imposition de normes de qualité pour les ventes en ligne peuvent généralement bénéficier de l’exemption, peu important le type de système de distribution utilisé, à condition qu’elles n’aient pas pour objet indirect d’empêcher l’utilisation effective des ventes en ligne pour vendre les produits concernés sur des territoires spécifiques ou à une clientèle spécifique.

Les Lignes Directrices Verticales fournissent des orientations spécifiques à cet égard (LD Verticales, §206). Ainsi, en tant que fournisseur, vous devez notamment veiller :

  • à ne pas exiger que le distributeur empêche les clients situés sur un autre territoire de consulter son site web ou sa boutique en ligne ou qu’il redirige les clients vers votre boutique en ligne ou celle d’un autre revendeur ;
  • à ne pas exiger que le distributeur mette fin aux transactions en ligne des consommateurs lorsque les données de leur carte de crédit indiquent une adresse qui n’est pas sur le territoire du distributeur ;
  • à ne pas exiger que le distributeur vende les biens ou services contractuels uniquement dans un espace physique ou en la présence physique d’un personnel spécialisé ;
  • à ne pas exiger que le distributeur demande votre autorisation avant d’effectuer des transactions individuelles de vente en ligne ;
  • à ne pas interdire (directement ou indirectement) à l’acheteur d’utiliser entièrement un canal de publicité en ligne, tel que des moteurs de recherche ou des services de comparaison de prix.
  • Les accords « de durabilité » (ou accords environnementaux)

Les Lignes Directrices Verticales précisent que les accords poursuivant un objectif de durabilité ne constituent pas une catégorie distincte d’accords au regard du droit de la concurrence de l’Union. Ils sont en revanche susceptibles de bénéficier de la « zone de sécurité » du règlement pour autant qu’ils en remplissent les conditions.

A titre d’illustration, si, pour sélectionner les distributeurs de votre réseau sélectif, vous faites usage de critères de sélection qualitatifs relatifs à la réalisation d’objectifs environnementaux (tels que le changement climatique, la protection de l’environnement ou la limitation de l’utilisation des ressources naturelles), l’accord de distribution sélective concerné pourra être automatiquement exempté en application du Règlement Accords Verticaux.

 
 

[1] Règlement (UE) 2022/720 de la Commission européenne du 10 mai 2022 concernant l’application de l’article 101(3) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. Il remplace le Règlement (UE) 330/2010 de la Commission du 20 avr. 2010 qui avait le même objet.
[2] Le règlement (UE) 2022/720 remplace le Règlement (UE) 330/2010 de la Commission du 20 avr. 2010 qui avait le même objet.

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