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ACTUALITE JURIDIQUE – Une clause d’exclusivité dans un contrat peut matérialiser un abus de position dominante

Une clause d’exclusivité dans un contrat entre des distributeurs et des revendeurs au détail peut matérialiser un abus de position dominante du fournisseur

Un fournisseur peut être sanctionné pour abus de position dominante en raison de la mise en œuvre par ses distributeurs d’une clause d’exclusivité, si cette clause est susceptible d’avoir un effet d’exclusion – CJUE, 19 janvier 2023, Unilever Italia, C-680/20 – 07/02/2022, Virginie Coursière-Pluntz & Jeanne Cousin

Un peu de contexte 

Unilever Italia Mkt Operations Srl (ci-après : « Unilever ») produit et fabrique des glaces en conditionnements individuels destinées à être consommées hors domicile, dans une variété de points de vente.

C’est sur le marché de la commercialisation des glaces individuelles destinées à la restauration hors domicile, qu’en 2017, l’autorité de concurrence italienne avait sanctionné Unilever à une amende de plus de 60 millions d’euros pour abus de position dominante contraire à l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

La pratique abusive reprochée à Unilever était en réalité une pratique mise en œuvre par ses distributeurs indépendants, qui avait imposé des clauses d’exclusivité aux revendeurs de glaces hors domicile. L’autorité italienne toutefois avait considéré que la pratique pouvait être imputée à Unilever en raison de son ingérence dans la politique commerciale des distributeurs, à qui il était demandé de faire signer aux revendeurs des contrats contenant les clauses exclusivités en cause au profit des produits d’Unilever.

Après avoir échoué à faire reformer la décision par le juge national compétent, Unilever avait saisi le Conseil d’Etat italien, qui a posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), auxquelles elle répond dans l’arrêt du 19 janvier 2023.

  1. Sur l’imputabilité au fournisseur dominant de l’exclusivité contestée

La première question à laquelle la CJUE devait répondre était celle des critères à prendre en compte pour déterminer si une coordination contractuelle entre des opérateurs économiques autonomes et indépendants permet d’imputer à l’un les agissements des autres ? La CJUE a réinterprété cette question comme visant à faire trancher si les agissements de distributeurs indépendants appartenant au réseau de distribution d’un producteur dominant peuvent être imputés à ce producteur, et à quelles conditions.

Jusqu’à présent, les décisions prises dans le cadre d’une coordination contractuelle, en ce qu’elles manifestent un accord au moins tacite des distributeurs, étaient sanctionnées sous l’angle de la prohibition des ententes anticoncurrentielles (CJCE, 17 septembre 1985, Ford, aff. 25/84, pts 20 et 21).

Dans la présente affaire, la CJUE considère toutefois que la prohibition des pratiques abusives unilatérales (article 102 TFUE) a vocation à s’appliquer lorsque les distributeurs sont tenus de se conformer aux instructions du fournisseur dominant, de sorte que le réseau de distribution sert simplement d’instrument de mise en œuvre décentralisée de la politique commerciale de ce fournisseur.

Il faut noter ici que la CJUE, plutôt que de renforcer une jurisprudence déjà foisonnante sur la doctrine de l’entité économique unique, a rendu sa décision en recherchant l’imputabilité réelle de l’infraction.

Dans un premier temps, la CJUE a rappelé qu’une société en position dominante est soumise à une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée.

Cette responsabilité implique qu’un abus peut être imputé à l’entreprise dominante, même lorsqu’il est matériellement réalisé par un intermédiaire – dans notre cas de figure, les distributeurs appartenant au réseau – s’il s’avère que le comportement a été adopté conformément aux instructions du producteur – ici, Unilever – et que les distributeurs concernés étaient tenus de s’y conformer.

Ces conditions sont remplies dans une situation, telle que celle en cause, où les clauses d’exclusivité étaient prérédigées par le producteur dans des contrats-types de distribution que les distributeurs n’ont pas le pouvoir de négocier. Ces distributeurs font ainsi office d’instrument de la mise en œuvre la politique unilatéralement arrêtée par le producteur. La CJUE considère que l’entreprise en position dominante doit par conséquent être prête à assumer les risques d’une telle pratique, et être seule tenue pour responsable au regard de l’article 102 TFEU.

En revanche, il n’est nécessaire de retenir une fiction d’« unité économique » du fournisseur avec ses distributeurs impliquant une volonté unique (comme avait cru devoir le faire l’autorité de concurrence italienne), ni l’existence d’un lien « hiérarchique » résultant d’une soumission systématique des distributeurs aux consignes constantes du fournisseur.

Il suffit de démontrer que les agissements ne reflètent pas une politique autonome des distributeurs mais concrétisent la politique qui leur est imposée par le fournisseur.

Ces nuances ne sont pas sans intérêt, puisque de nombreuses entreprises ont de plus en plus recours à des pratiques de franchisage, de sous-traitance ou à des régimes spécifiques de distribution.

  1. Sur la charge de la preuve du caractère anticoncurrentiel des clauses d’exclusivité

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si, pour constater un abus de position dominante, il est nécessaire d’établir que les clauses d’exclusivité ont pour effet d’exclure du marché des concurrents aussi efficaces, ou, à tout le moins, d’analyser les preuves économiques présentées par l’entreprise mise en cause tendant à contester l’effet d’exclusion.

Bien que l’on aurait pu penser que la nature même d’une clause d’exclusivité permette d’établir son potentiel effet d’exclusion, la CJUE retient dans l’arrêt que l’abus ne peut être établi que lorsque le comportement reproché à l’entreprise dominante est en « capacité » de produire un effet d’éviction sur des concurrents aussi efficaces, ou lorsque ce comportement repose sur des moyens autres que ceux relevant d’une concurrence par les mérites.

Il appartient aux autorités de concurrence de démontrer cette « capacité » à restreindre la concurrence sur la base de l’ensemble des circonstances factuelles propres à chaque espèce, y compris des éléments de preuve contraires rapportés par l’opérateur mis en cause.

La CJUE considère en effet que si les clauses d’exclusivité suscitent des préoccupations légitimes, leur capacité à évincer les concurrents n’est pas automatique. Selon elle, les clauses d’exclusivité introduites dans les contrats de distribution peuvent être analysées au même titre que les système de rabais, obligeant ainsi les autorités à examiner les preuves visant à démontrer que le comportement en cause n’est pas susceptible de produire des effets d’exclusion des concurrents au moins aussi efficaces sur le marché.

Dans l’arrêt commenté, la CJUE a en effet étendu aux clauses d’exclusivité l’application de sa jurisprudence Intel (CJUE, 6 sept. 2017, Intel c/ Commission, C-413/14 P, pts. 138 s. – visant des rabais de fidélité). Il résulte de cette extension de la jurisprudence Intel que la capacité d’éviction de ces clauses doit être recherchée sur deux plans :

  • lorsque l’entreprise conteste la capacité de son comportement à produire les effets d’éviction reprochés, l’autorité de concurrence est non seulement tenue d’analyser les conditions de marché mais également d’apprécier l’existence d’une stratégie d’éviction des concurrents au moins aussi efficaces ;
  • l’analyse de la capacité d’éviction des concurrents au moins aussi efficaces est également pertinente pour déterminer s’il existe une justification objective à la pratique et pour mettre en balance l’effet d’exclusion avec d’éventuels avantages en termes d’efficacité au profit des consommateurs.

Au cas présent, s’appuyant sur le test du concurrent au moins aussi efficace (As Efficient Competitor ou AEC Test)[1], Unilever avait tenté de démontrer que les pratiques n’avaient pas pour effet d’évincer ses concurrents au moins aussi efficaces.

La CJUE a répondu que, bien que le recours au test du concurrent au moins aussi efficace soit facultatif pour l’autorité de concurrence, cette dernière doit en examiner la valeur probante lorsqu’il est présenté par l’entreprise en position dominante pour sa défense, ce que n’avait pas fait l’autorité de concurrence italienne.

Cela relève du respect de son droit à être entendue. Pour la même raison, si l’autorité de concurrence compétente choisit d’exclure l’étude présentée par l’opérateur mis en cause, elle doit motiver cette exclusion pour lui permettre d’envisager d’autres types de preuve.

[1] Cette notion fait référence à différents tests ayant en commun de viser à apprécier la capacité d’une pratique à produire des effets d’éviction anticoncurrentiels en se référant à l’aptitude d’un hypothétique concurrent de l’entreprise en position dominante aussi efficace qu’elle en termes de structure de coûts, à proposer aux clients un tarif suffisamment avantageux pour les inciter à changer de fournisseur, malgré les désavantages générés, sans que cela n’aboutisse à ce que ce concurrent subisse des pertes. Voir arrêt commenté, point 56)

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