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ACTUALITE JURIDIQUE – Abus de position dominante de Qualcomm

Abus de position dominante de Qualcomm : remise en cause totale en appel de l’amende de 1 Md€ initialement infligée par la Commission – Virginie Coursière-Pluntz et Camille Peraudeau

Coup de tonnerre ! Par une décision du 15 juin 2022[1], le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision intervenue quatre ans plus tôt, par laquelle la Commission avait condamné la société Qualcomm, leader des technologies cellulaires et sans fil, à une amende de près d’un milliard d’euros pour abus de position dominante [2].

Les faits

Pour rappel, il était reproché à la société américaine Qualcomm d’avoir fait obstacle au jeu de la concurrence en versant à son client Apple des rabais se comptant en milliards de dollars, entre 2011 et 2016, à la condition qu’il s’approvisionne exclusivement auprès d’elle pour équiper les IPhone et les IPad en chipsets permettant aux smartphones et aux tablettes de se connecter aux réseaux cellulaires.

Qualcomm ayant la main mise sur près de 90% du marché mondial de ces composants, il avait été jugé que les rabais d’exclusivité concédés avaient empêché les concurrents potentiels – tels Intel – de se positionner sur ce marché, sur lequel la demande pour des technologies innovantes est toujours croissante.

La sanction, représentant à l’époque près de 5% du chiffre d’affaires consolidé de Qualcomm, avait été justifiée par la Commission par la perte de chance pour les concurrents de contracter avec de nouveaux clients, faute de pouvoir se targuer d’une relation commerciale avec Apple.

Enfin, Qualcomm n’avait pas été en mesure de démontrer, pour justifier ses pratiques, que la condition d’exclusivité lui générait des gains d’efficience.

Le revirement

L’arrêt de juin du Tribunal UE a fait sensation en désavouant dans son intégralité la décision de sanction prise par la Commission à l’encontre de Qualcomm.

Le Tribunal UE a tout d’abord identifié plusieurs irrégularités procédurales qui ont affecté les droits de la défense de Qualcomm, notamment l’absence d’enregistrement du contenu des réunions et conférences téléphoniques avec des tiers lors de l’enquête. Est également considéré comme une atteinte aux droits de la défense, le fait pour la Commission d’avoir finalement sanctionné un abus de position dominante sur un seul marché alors même que la communication des griefs en visait deux : selon le Tribunal UE, la société Qualcomm aurait dû être entendue et aurait dû avoir la possibilité d’adapter son analyse à cette modification du périmètre de l’infraction.

Sur le fond, le Tribunal a entièrement déjugé l’analyse de la Commission quant à l’effet des pratiques :

  • Selon lui, pour considérer que les rabais d’exclusivité concédés produisaient des effets anticoncurrentiels, la Commission n’a pas tenu compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes et notamment du fait qu’Apple ne disposait d’aucune alternative technique aux chipsets de Qualcomm pour ses IPhones ;
  • La Commission n’aurait en outre pas réussi à démontrer que les montants octroyés avaient effectivement réduit les incitations d’Apple à faire appel à d’autres fournisseurs de chipsets pour certains modèles d’IPad. A supposer qu’une telle réduction ait pu être démontrée, cela ne suffirait pas à établir le caractère anticoncurrentiel de ces paiements pour l’ensemble des besoins d’Apple sur la période litigieuse.

Le possible recours

Cet arrêt intervient sans nul doute comme une sonnette d’alarme pour la Commission.

Cette dernière dispose toujours de la possibilité de se tourner vers la Cour de justice de l’UE, dans un délai de deux mois et dix jours à compter de la notification de la décision, soit jusqu’à fin août, afin que celle-ci tranche les nombreux points de droit sur lesquels se fonde la décision du Tribunal UE.

[1] Tribunal de l’Union, 15 juin 2022, Aff. T-235/18, Qualcomm Inc. c/ Commission européenne.

[2] Commission européenne, 24 janvier 2018, décision C(2018) 240 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [Aff. AT.40220 – Qualcomm (paiements d’exclusivité)].

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